Line, WeChat : Facebook menacé par les réseaux sociaux asiatiques ?

Facebook menacé par les réseaux sociaux asiatiques

Marc Fanelli, expert en réseaux sociaux est interviewé par Georges Séror, responsable de l’axe Communication Digitale à l’IIM, sur les concurrents de Facebook tout droit venus d’Asie.

Georges Séror : « Bonjour, bienvenue sur le plateau de « Comme une image », nous sommes réunis aujourd’hui dans la chronique « Social Coffee » et nous avons invité Marc Fanelli, ici présent en tant qu’expert réseau social et marketing digital. Nous allons essayer d’évoquer tout ce qui concerne Facebook et les réseaux sociaux asiatiques.
Marc, Facebook compte aujourd’hui 1.3 milliard d’inscrits, d’ailleurs il faut préciser inscrits et utilisateurs, est-ce qu’il y a une différence ?

Marc Fanelli : « Facebook est aujourd’hui le média social n°1, voire le premier site internet. Il y a énormément d’actifs. C’est devenu un moteur de recherche, le moyen de communication n°1 de notre société occidentale connectée. C’est aussi le nouveau terrain de jeu des marques car chaque marque a créé son site internet dans cet espace connecté qui est la page professionnelle. Je dirais même que si l’on compare le site internet et la page Facebook, le site internet c’est la petite boutique à la campagne dans lequel on va faire tout le travail pour attirer des passants, en essayant de faire en sorte que cette boutique arrive sur « l’avenue Google ». La page professionnelle Facebook est un peu comme une boutique au sein d’un centre commercial où il y a 1.3 milliard de passants connectés qui circulent, donc les enjeux ne sont pas les mêmes.

GS:  Alors ça c’est dans le monde occidental. J’ai entendu dire qu’en Asie, Facebook avait du mal à s’implanter, avec des difficultés de censure notamment. Avec le marché que représente l’Asie et tous les internautes actuels et futurs, est-ce qu’il y a l’équivalent de Facebook ?

MF: Oui en Asie il y a des réseaux sociaux qui sont une véritable menace pour Facebook. Il en existe deux principalement. Le premier s’appelle Line. C’est le réseau japonais sorti en 2011 à l’époque du tremblement de terre au Japon qui avait empêché tous les moyens de communication. Ce réseau social s’est créé tout simplement pour que les gens continuent à communiquer à travers internet et leur mobile. D’après leurs dires, Line compte aujourd’hui plus de 700 millions d’utilisateurs. Il y en a un deuxième, WeChat, qui est le réseau social chinois qui lui compte environ 600 millions d’inscrits. Il faut savoir qu’en Chine, Facebook n’a pas de siège et n’a pas vraiment de possibilité de s’y implanter. Certains mots sont bannis des réseaux sociaux…

GS: Il y a énormément de censure…

MF: C’est effectivement principalement de la censure, mais que subissent également Line et WeChat.

Malgré cette censure, ces deux réseaux sociaux sont une menace pour Facebook car ils comptent des millions d’utilisateurs – on approche le milliard à eux deux – et ils ont en plus des fonctions adaptées à notre génération. C’est vrai qu’aujourd’hui, la plupart des gens sont connectés depuis leur smartphone. Ces réseaux sociaux ont été créés pour les smartphones. [Contrairement à Facebook qui a débuté avec un site internet]. Ils réunissent également les fonctions de Facebook – possibilité de créer un mur, de partager une photo ou une vidéo que les gens commentent, likent, partagent. Il y a les fonctions de Twitter, de Snapchat, d’Instagram avec les filtres photos, de Skype avec des appels vidéos gratuits.

GS: Précisons qu’en Asie, les smartphones sont beaucoup plus utilisés par les internautes que nous. On voit par exemple des gens se promener dans le métro en regardant des films.

MF: Oui je pense en effet qu’ils sont à un niveau au-dessus. En Thaïlande par exemple, qui est un peu le pays à mi-chemin entre l’Occident et l’Asie, les internautes ont abandonné Facebook pour Line. Ils se sont rendus compte que ce réseau-là réunit toutes les fonctions qu’ils apprécient sur les différents médias sociaux dans un seul espace connecté sur leur mobile. C’est en réalité la même stratégie qu’a eu Facebook en 2006 lorsqu’il est arrivé sur le marché. Comment a-t-il réussi à réunir autant de monde en aussi peu de temps ? Car il combinait les fonctions de MySpace, le réseau de l’époque avec la page au départ réservée aux musiciens avec le bouton « Jaime », et les fonctions de « Copains d’avant ». Ces deux fonctions-là étant réunies et le socionaute étant toujours un peu fainéant et souhaitant aller au plus simple, il a téléchargé et utilisé Facebook.

GS : Cela servait aussi à partager les photos de vacances avec ses amis…

MF: Il possédait en effet la fonction blog. Il y a eu ensuite la fonction « tchat ». C’est à cause de cela que MSN Messenger a disparu. Aujourd’hui, les réseaux asiatiques Line et WeChat ont la même stratégie : réunir toutes les fonctions que les gens aiment comme envoyer des photos qui s’autodétruisent façon Snapchat, utiliser des filtres-photos Instagram, passer des appels vidéos gratuits (skype) et tchatter comme avec Whatsapp.  C’est d’ailleurs pour ça que Facebook a racheté Whatsapp aussi cher. 23 milliards de dollars. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, c’est énorme.

GS : Est-ce que ça veut dire que les marques occidentales vont devoir à leur tour occuper obligatoirement le terrain de ces réseaux pour s’implanter dans les marchés asiatiques ?

MF : C’est déjà la stratégie de ces réseaux qui ont un business model. Elles accueillent des pages professionnelles pour les marques. Line propose par exemple à des gens comme Paul McCartney, à la série télé The Walking Dead ou encore à My Little Paris – le magazine parisien – des pages professionnelles dans lesquelles les marques peuvent communiquer en direct avec des gens depuis leur smartphone. En Espagne par exemple, ils ont déjà séduit près de 15 millions d’utilisateurs en quelques mois grâce à une campagne de tchat avec Lionel Messi, le footballeur. Lionel Messi était invité à répondre en direct aux SMS envoyés. Ils sont donc très offensifs, c’est pour ça que Mark Zuckerberg a très peur de ces médias là. C’est pourquoi il a racheté Whatsapp qu’il va essayer de transformer pour le faire ressembler à ces Line et Wechat qui ont beaucoup plus de fonctions au final que Whatsapp.

GS : Est-ce qu’on peut imaginer que dans 10, 15 ans Facebook décline et se fasse rattraper par ce type de réseau ?

MF : Je pense que Facebook à l’avenir, oui, aura peut-être du mal à rester dans nos mœurs. Ça a été le premier réseau social qui a vraiment bien fonctionné. Les gens ont livré toutes leurs infos à ce réseau, à l’époque où on ne connaissait pas bien les médias sociaux. Il y a maintenant une crise de confiance vis-à-vis de Facebook et je pense qu’il est possible qu’on se  désolidarise de ce réseau.  Et c’est pour ça que Facebook a décidé de morceler son offre pour qu’on s’y rattache malgré nous. Finalement le Facebook Messenger devient le nouveau « MSN messenger ».

Il sera intéressant de voir si un réseau occidental naîtra avec les mêmes fonctions que Line et WeChat, et qui saura capter le monde occidental et prendre de l’avance.

Social Coffee, l’interview :