Léonard de Vinci, inspirateur des designers du digital

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Apprendre de Léonard – Partie 1. A l’occasion des 500 ans de la mort de Léonard de Vinci, les écoles du Pôle Léonard de Vinci reviennent sur les traces du génie pluridisciplinaire dont l’influence est encore ressentie aujourd’hui. Démarrage de la série « Apprendre de Léonard » avec Emmanuel Peter, Directeur de l’IIM.

La révolution digitale est en marche sous nos yeux et transforme l’ensemble des organisations et la vie de tout un chacun. Gilles Babinet , grand observateur du phénomène, nous dit que nous ne sommes qu’au début d’une période de rupture qui va marquer profondément l’histoire humaine, période pour laquelle il trouve de fortes similitudes avec celle de la Renaissance. L’apparition en Europe de la poudre à canon et des Etats Nation change alors le rapport au temps et à l’espace. Aujourd’hui, l’apparition du digital et de l’ubiquité du monde nous met dans la même dynamique.

Léonard de Vinci, figure majeure et inspiratrice de la Renaissance, est mort il y a 500 ans. En quoi peut-il et doit-il inspirer aujourd’hui une école comme l’IIM ?

Précisons bien l’objectif de notre école. Il consiste à former les designers de notre époque marquée par la révolution digitale, en leur permettant d’acquérir les compétences créatives, techniques et managériales attendues dans ce secteur en plein évolution, de la startup au grand groupe international. Ce monde demande des profils « couteau suisse », hybrides, capables d’appréhender différentes facettes du digital. Le projet repose donc sur l’acquisition d’un bagage commun, large, qui permet à chacun de nos étudiants d’acquérir des bases techniques (les langages de programmation du Web), créatives (le dessin, la maitrise des outils de modélisation et de traitement d’images 2D et 3D) et de communication (la construction d’un message et sa diffusion à l’ère du Web, du mobile et des réseaux sociaux).

Une fois ces bases acquises, les projets pédagogiques deviennent professionnalisants et mobilisent des équipes pluridisciplinaires mariant des étudiants aux différentes expertises, s’ouvrant même aux compétences des élèves ingénieurs et des élèves managers lors des actions transversales du Pôle.

Le monde digital permet de réinventer les objets physiques, qui deviennent connectés, et d’inventer les « objets virtuels » tels que les applications et jeux vidéo. Au coeur de ces projets, des designers doivent comprendre les usages, prendre en compte le contexte et les contraintes techniques, sociétales, économiques ou culturelles, et adapter, voir réinventer ce qui est à produire. Le principe même du mode projet inhérent à ce secteur est de ne jamais reproduire à l’identique mais de rester agile, d’intégrer l’expression de besoins spécifiques et d’exploiter l’émergence de nouvelles façons de faire. L’innovation est donc au cœur de la pédagogie de l’école.

Léonard de Vinci, génial artiste, ingénieur, architecte, inventeur, humaniste, est tout simplement inspirant parce que ce que l’on connait et rapporte de sa vie, de son œuvre et de ses réalisations démontre qu’il avait compris avant les autres la nécessité de marier beaucoup de qualités différentes.

Dès son plus jeune âge et poussé par l’injonction « Po l’occhio ! » (ouvre l’œil !) de son grand-père, il développe une capacité peu commune à observer la nature. Il passe des heures devant des colonies de fourmies, les mouvements des nuages ou l’envol des oiseaux. Plus tard, il se passionne pour l’anatomie et pratique la dissection. Ses observations sont minutieuses. Il ne s’agit pas juste pour lui de regarder passivement mais bien de comprendre le plus finement possible.

Il va aussi rapidement développer une curiosité et une culture scientifique et technologique. Il devient un grand lecteur d’ouvrages de géométrie, d’hydraulique, de mathématiques et d’optique. Il tente de capter l’essentiel de la connaissance scientifique naissante et pratique toute sorte d’expérimentation. Pour parfaire ses propres inventions, il s’inspire des découvertes et techniques des autres et les consigne dans d’abondants cahiers.

Il fait par exemple le lien entre l’observation de la nature et la mécanique, cherchant à comprendre pourquoi on tient debout, pourquoi on vole. Il s’inspire de l’anatomie des oiseaux et de leurs muscles pectoraux pour tenter d’inventer une machine volante. Une démarche que l’on retrouve aujourd’hui dans le biomimétisme et la volonté de s’inspirer de la nature pour recréer de l’intelligence “artificielle”, pour modéliser en 3D des mouvements d’être vivants en « motion capture », ou pour créer des robots “humanoïdes” en analysant les muscles du corps pour reproduire l’équilibre et la force, et les muscles du visage pour reproduire l’émotion.

Passé en grande partie à la postérité pour son œuvre d’artiste, Léonard de Vinci veille pourtant à rester un inventeur, ancré dans le concret et l’action. « Je ne désire pas l’impossible » écrit-il. Il ne renie pas la pratique artistique visant à faire du beau et à déclencher une émotion, mais ne s’y laisse pas enfermer. Et sa pratique artistique sera pour lui une grande source d’inspiration.

Pour réaliser ses œuvres artistiques, architecturales ou militaires, il a dû apprendre à travailler avec d’autres aux compétences complémentaires : s’inspirer des techniques des ingénieurs de l’époque, s’appuyer sur des chefs à même de mener les nombreux ouvriers nécessaires aux réalisations finales, et savoir guider un artisan expert du travail du bois, du textile ou du fer.

Le projet « Living Joconde », mené par l’école en partenariat avec Florent Aziosmanoff, Strate Ecole de Design et Cap Digital, a replongé récemment nos enseignants et étudiants au cœur de l’esprit de Léonard de Vinci. Il s’agissait de donner vie à La Joconde, en reconstituant le célèbre tableau en images de synthèse et en l’animant par une intelligence artificielle pour entretenir une relation sensible et interactive avec des spectateurs. Un projet à son image, parce qu’il devait tirer parti de compétences diverses en matière d’installation interactive, de robotique et d’intelligence artificielle, de mécatronique, de design d’objets connectés et communicants.

En cette période de rupture radicale, souhaitons que l’éclectisme et l’humanisme de ce cher Léonard inspirent notre école pour préparer des designers faisant du digital une source de progrès, de partage, de bonheur, de réalisation personnelle et de réalisations collectives, et mettant ce formidable outil au service de notre communauté humaine.

Emmanuel Peter
Directeur de l’Institut de l’Internet et du Multimédia
Une école du Pôle Léonard de Vinci

Illustration : Lea Amati